Le soleil brillait encore lorsque je franchis enfin les portes de la 
ville. Mes dernières appréhensions étaient restées dans le désert, mais 
néanmoins  il me fallut quelques minutes afin de retisser un semblant de
 lien avec la civilisation. Je restais là, immobile, à observer 
l’effervescence joyeuse de cette nouvelle ville. Il me semblait 
reconnaitre certains visages, surement croisés dans quelques vies 
antérieures, mais rien n’était moins sûr. 
J’époussetai
 mes bras, mes jambes, ma poitrine, afin de faire disparaitre de ma peau
 cuivrée les derniers grains de sable épars. On a beau se moquer de ce 
que pensent les autres, ressembler à un ermite pouilleux n’a jamais bien
 servi pour nouer des  relations sociales. 
Mon bouclier blanc 
argenté avait fait ma renommée, et dans diverses cités, étaient chantées
 les louanges du gardien d’iridium. Comme toutes les légendes, la mienne
 frisait l’hyperbole, mais hormis la cajolerie de mon âme, ma réputation
 un brin galvaudée m’a déjà extirpé de nombreuses situations mal 
engagées. 
Mais il faut maintenant décentrer mon vil 
égo, si je veux pouvoir commencer à servir cette ville. En fier 
compagnon de la communauté, un peu plus utile que ces crasseux de 
bichons maltais. 
Je sais que chacun des héros a longuement 
réfléchit aux implications de notre engagement. Il s’agit d’un chemin 
sans retour, une partie truquée dans laquelle la victoire est hors de 
portée. La mort seule pour récompense à la fin de nos existences. 
Chacun
 de nous aurait pu rester dans le désert et résister quelques nuits de 
plus, voire même des années. Mais à quoi bon survivre si c’est pour 
rester camouflé  à couvert d’une capuche, ou enfoui dans une tombe.  Les
 vrais héros savent regarder chaque nuit la mort en face, en tête à tête
 avec  les voraces. 
Lorsque tomberont nos boucliers et que 
cèderont tous nos piliers, il restera encore nos corps alignés pour 
repousser les zombies par milliers. Nous monterons alors la plus haute 
des murailles, bien plus vite qu’un fouineur creusant vainement son tas 
de sable. 
Oui mes valeureux amis, peu importe notre destin sinistre, aujourd’hui débute l’apogée métallique. 
Le
 temps était venu pour moi de rentrer dans l’arène, les autres gardiens 
s’affairaient déjà aux mille taches essentielles que nécessitait une 
ville avant le premier jour de combat. 
Trois d’entre eux  
scrutaient attentivement  le désert alentour, je pouvais presque voir 
dans leurs têtes, les tours et les détours qu’ils nous forceraient à 
faire demain, aux premières lueurs de l’aube, afin d’y trouver de quoi 
nous subsister ! 
Cinq autres débattaient vivement de 
la stratégie à adopter pour survivre un mois entier face aux hordes 
déchainées, bizarrement les seuls mots que j’arrivais à saisir de leur 
conversation débridée étaient transparence et underboobs, ce devait sans
 aucun doute être de nouvelles stratégies à la mode. 
Mais
 soudain toutes les conversations cessèrent, une nuée  de corbeaux 
venait de se poser sans bruit au centre du village, précisément là où 
nous avions creusé un puits majestueux. Un à un chacun de ces vils 
volatiles s’abreuva lentement de notre précieuse boisson. Totalement 
abasourdis, aucun d’entre nous ne réagit durant de longues secondes, 
jusqu’à ce qu’un gardien nommé Chubakan se décide à intervenir enfin. 
 Il
 prit à deux mains son bouclier en « cuivre du diable », et le jeta 
promptement dans l’amas de corbeaux. Ces derniers  s’envolèrent sans 
demander leur reste, emportant avec eux notre fugace euphorie. 
Ce
 funeste présage n’annonçait rien de bon, mais avant que nous n’ayons eu
 le temps de nous apitoyer, une auguste gardienne qui se faisait appeler
 Turt22 prit la parole :  
-« Nous sommes quarante 
gardiens métalliques, unis et réunis pour la gloire de notre métier, ce 
ne sont pas quelques minuscules corvidés qui vont réussir à nous faire 
flancher ».
Elle leva alors son bouclier de cuivre, 
parfaitement accordée à sa chevelure auburn, et toutes les gardiennes et
 les gardiens rassemblés, levèrent à leur tour leur pavois en criant à 
l’unisson :
-« Aujourd’hui débute l’Apogée Métallique.»
La
 nuit avait aggloméré entre elles les ombres de la ville, en réaction 
les gardiens s’étaient attroupés à côté d’un grand feu. La danse des 
flammes et la chaleur du foyer réveillant en eux leurs sens artistiques.
 Seul Iceberg, le maire de la ville, restait étonnamment en retrait, 
perdu dans ses pensées, lors du brasier ardent.
Tandis 
que les jongleurs répondaient aux acrobates et que les cracheurs de feu 
succédaient aux troubadours, la quiétude s’emparait de moi, me sentant 
pour la première fois depuis bien longtemps de retour dans ma véritable 
famille. Je contemplais mes compagnons d’infortune, les gardiens 
chevronnés faisant admirer leurs nombreuses  cicatrices aux néophytes 
fascinés, pendant que les gardiennes expérimentées tentaient de dissiper
 l’appréhension des novices angoissés.
Je sentis alors 
qu’il était de mon devoir, de transmettre aux nouvelles générations, la 
tradition des gardiens, ce supplément d’âme qui fait de nous les plus 
vaillants des héros. Je me redressai alors lentement,  levant bien haut 
mes bras pour réclamer le silence, qui ne tarda pas à arriver.
Dans quelques minutes eux aussi connaitront l’histoire des gardiens...
 -«
 L’histoire que je souhaite vous conter remonte à une ère que bien peu 
d’entre vous ont pu connaitre, les héros étaient très rares, et pas 
franchement communautaires. Je n’étais moi-même qu’un simple citoyen, le
 monde ressemblait à un immense désert, et la mort n’était plus vraiment
 définitive, mais nous n’avions pas encre compris pourquoi. »
Les
 gens commençaient à se regrouper dans des villes pour tenter de 
survivre, j’étais un peu jeune, et surtout persuadé que tout allait 
bientôt s’arranger ; je crois qu’aujourd’hui je donnerais tout pour 
retrouver un peu de ma défunte naïveté.
Après avoir 
vagabondé des jours durant dans le désert à la recherche d’un abri, j’ai
 enfin pu me réveiller sur un modeste lit de camp, dans un espèce de 
cloaque affreux. Près de moi des dizaines d’autres sommiers étaient 
rassemblés, quelques personnes étaient encore endormies, d’autres se 
regroupaient au centre de la ville, quelques-uns étaient déjà dans le 
désert à tamiser le sable désespérément.
Voguant un peu
 au hasard, dans mon nouveau refuge, je m’approchais d’un petit groupe 
s’étant formé, sur une minuscule place. Les habitants étaient à l’écoute
 d’un héros lancé dans un long discours qui semblait tous les fasciner 
grandement. Je m’avançais pour mieux entendre.
Dans sa harangue, 
l’orateur disait s’appeler Jonas, il nous annonçait la fin du monde, 
ainsi que notre massacre imminent, les zombies étaient envoyés chaque 
jour plus nombreux afin de nous faire expier nos fautes, ils étaient 
l’ultime fléau devant mettre fin à l’humanité.
La foule 
grossissait de plus en plus, écoutant Jonas avec attention, les yeux 
écarquillés, gobant chacune de ses paroles comme s’il était le nouveau 
messie.
Il était certain qu’il ne manquait pas de 
charisme, sa longue bure avait une large capuche qu’il gardait 
partiellement relevée, on pouvait néanmoins distinguer son visage carré 
surmonté d’épais sourcils, son nez épaté et ses cheveux bruns. Mais le 
détail qui retenait le plus l’attention était ses yeux sombres, 
brillants d’un éclat d’obsidienne. Son regard était direct et chaque 
spectateur pouvait avoir l’impression qu’il ne parlait qu’à lui seul. Il
 avait une voix grave et puissante, le timbre de sa voix était presque 
hypnotique et il martelait son laïus de façon très cadencé.
Maintenant
 qu’il avait réussi à captiver son auditoire, Jonas baissa 
progressivement le son de sa voix, adoptant un ton plus apaisant. Il 
expliquait à présent qu’il nous restait une dernière échappatoire, à 
condition bien entendu que nous sachions faire preuve de repentance, que
 nous en appelions humblement à la miséricorde du tout puissant, en 
espérant, peut-être, sa clémence. Pour cela il fallait faire preuve de 
foi, que nous prouvions que nous étions digne d’être sauvés. Si nous 
l’écoutions attentivement, il nous montrerait le chemin, il fallait lui 
faire confiance, et accepter sans condition son autorité.
La
 situation m’amusait follement, encore un charlatan profitant de la 
détresse de ses congénères afin de se rendre important. Nous avions 
assez de problèmes comme cela sans y rajouter de la religion. Je sortis 
donc de la ville afin de trouver quelques ressources pour subvenir à nos
 besoins.
Ce ne fut qu’à la nuit tombée que je fus de 
retour, étonnamment il y avait toujours autant de monde sur la place. 
Les ouvriers revenaient ici après avoir travaillé aux chantiers, de même
 les expéditeurs ne restaient pas se reposer dans leur lit de camp, mais
 préféraient écouter les paroles de Jonas, qui continuait inlassablement
 son sermon.
Une sorte d’estrade avait d’ailleurs était
 construite à la va-vite, pour que tous puissent voir le héros, 
tranquillement assis sur un rocking chair. C’était vraiment ridicule, je
 m’avançais vers la tribune pour leur signifier mon agacement devant 
leur puérilité, jusqu’à ce que j’entende la prêche en cours, je me 
stoppais net, en restant bouche bée !
Jonas proposait 
maintenant de sacrifier une personne afin de faire offrande à l’être 
suprême. Un tirage au sort désignerait l’être élu, qui serait offert aux
 zombies pour repousser le divin fléau.
J’étais complètement 
sidéré, mais comme aucun de mes concitoyens ne réagissait, je me disais 
que je devais avoir mal compris. Mais déjà le héros reprenait sa funèbre
 oraison sur la fin du monde, et sur la nécessité d’avoir la foi. 
Décontenancé, je repartis sans mot dire à mon lit de camp, je devrais 
sûrement trouver des choses plus intéressantes à y faire plutôt que 
d’écouter de telles fadaises. 
Quelques heures plus 
tard, un grand brouhaha provenant de la place me fit sursauter, il 
n’était pas encore minuit, ce ne pouvait pas être déjà les zombies. 
Intrigué, je retournais sur la place, où un attroupement ne s’était 
toujours pas dissipé.
En m’approchant je pus distinguer trois 
hommes tenant fermement une jeune femme, pour l’empêcher de se débattre.
 Elle hurlait, se remuait en faisant de son mieux pour leur faire lâcher
 prise, mais rien n’y faisait, les hommes maintenaient leurs prises.
La
 foule criait encore plus fort, visiblement prise de frénésie. Elle 
était dans un état d’exaltation violente, et réclamait le sacrifice. Je 
demandais à mon voisin ce qu’il se passait, il m’expliqua avec 
enthousiasme que la jeune fille avait été désignée afin d’être sacrifiée
 pour notre salut, il semblait terriblement excité à cette idée. 
Complètement atterré, je regardais Autour de moi pour m’apercevoir que 
personne dans la foule ne faisait mine de secourir la jeune fille.
C’était vraiment trop, il me fallait intervenir, j’interpellais alors Jonas :
-«
 Est-ce ainsi que tu veux nous faire survivre ? En nous sacrifiant un à 
un ? Suis-je le seul à trouver aberrante cette idée ? »
La
 foule se tut immédiatement, même la jeune fille cessa de se débattre, 
tous se tournèrent vers Jonas afin de scruter sa réaction.
Ce 
dernier se leva alors de son siège, et me fixa longuement afin d’essayer
 de me mettre mal à l’aise. Son regard était transperçant, et le 
silence, lourd et pesant, semblait subitement consistant. 
-«
 Nous réalisons ce qui doit être fait, cette épreuve est nécessaire, 
notre foi doit être testée. Je suis votre guide et si vous n’acceptez 
pas votre destinée, notre monde est condamné » déclama cérémonieusement 
Jonas.
La foule l’acclama aussitôt, une telle ineptie 
me laissa sans voix. Pourquoi les citoyens réagissaient-ils ainsi ? Ne 
comprenaient-ils pas que ce sacrifice était sans retour ?
Mes mots
 ne semblaient pas les atteindre, ils coulaient sur eux comme la pluie 
ruisselle sur les feuilles. J’étais complètement pris au dépourvu, la 
foule agissait vraiment de façon consternante.
Après être resté 
figé plusieurs secondes, je décidais d’effectuer un acte désespéré. Je 
courus vers les trois hommes détenant la jeune fille, dans une ultime 
tentative de libération. Mais je ne pus arriver jusqu’à eux, un violent 
choc à la tête me fit vaciller quelques instants, avant que je ne 
m’écroule lourdement sur le sol.
Je revins à moi de 
longues minutes plus tard, j’étais à mon tour tenu par deux gaillards. 
Nous étions en haut de la muraille, Jonas était près de moi sur ma 
gauche, et le reste de la foule était amassé aux alentours, personne ne 
manquait une miette du spectacle qui se déroulait en contre bas.
Je
 baissais la tête à mon tour pour m’apercevoir avec horreur que la jeune
 fille était maintenant attachée, la tête en bas, sur des planches 
clouées en croix, le sang avait afflué à son visage et elle ne semblait 
plus avoir la force de crier.
Jonas se tourna vers moi, un sourire carnassier lui déformant le visage, il murmura à ma seule intention :
- « Admire mon pouvoir, sache que nul ne peut m’arrêter, encore moins un frêle citoyen comme toi »
Il se redressa pour s’adresser au reste de la ville :
-«
 Voici la première épreuve devant servir de socle à notre foi, que 
chacun de vous observe attentivement, que personne ne détourne les yeux 
durant l’attaque, observez le mal à l’œuvre. Vous en sortirez tous 
purifiés. »
Il se tourna vers l’horizon, au loin 
apparaissait déjà la horde, qui s’avançait en déplaçant un immense nuage
 de poussière, elle se rapprochait lentement mais inexorablement.
Un citoyen descendit fermer les portes de la ville, puis remonta très vite pour ne rien manquer du spectacle.
La
 foule se calma, laissant réapparaître le silence de plomb, brisé 
seulement de temps en temps par les faibles gémissements de la 
suppliciée. Je sentais les battements de mon cœur qui s’accéléraient au 
fur et à mesure de l’approche des morts vivants. Le sentiment 
d’impuissance augmentait encore ma frustration, et je sentais monter en 
moi une colère froide, mon estomac se contractait, mes dents se 
serraient, mes muscles se bandaient, mes pensées se dissipaient laissant
 mon esprit dur et sec comme de la roche.
Les zombies 
furent rapidement là, le nuage sembla s’arrêter à quelques dizaines de 
mètres de la ville. La poussière retomba peu à peu, ils n’étaient qu’une
 centaine de mort vivants. Certains étaient encore assez bien conservés,
 pour que l’on puisse deviner le genre auquel ils appartenaient 
autrefois, mais la plupart n’étaient plus que des corps décharnés, 
auxquels il manquait tellement de lambeaux qu’ils en étaient totalement 
asexués.
L’attente se prolongea encore, les zombies 
restaient immobiles telles des statues de cire, ils semblaient attendre 
un signal. J’étais maintenant dans un état de calme absolu, je ne 
ressentais plus rien, je ne pensais plus, insensible aux stimuli 
extérieurs. Seul le silence résonnait encore de façon assourdissante 
dans mes oreilles.
Soudainement, les zombies reprirent leur marche
 en avant, la jeune fille se mit alors à hurler de terreur, éclatant le 
silence comme se brise un miroir. Le temps sembla alors reprendre son 
cours, la foule se défigea et se mit à pousser des cris, alléchée à 
l’idée du carnage à venir.
La jeune fille nous supplia d’ouvrir 
les portes en pleurant, puis nous maudit tous, avant de recommencer à 
nous implorer de l’épargner
Alors que la tension était à
 son comble, les portes de la ville s’ouvrirent subitement. Tous les 
habitants se figèrent avec effroi, regardant les morts qui eux n’avait 
pas cessé leur marche et n’étaient plus qu’à quelques mètres de 
l’enceinte de la ville.
Elle sortit alors entre les 
portes ouvertes, c’était la première fois que je l’apercevais, mais ce 
souvenir restera gravé en moi à tout jamais. Elle portait seulement une 
longue robe argentée, déchirée de multiples accrocs par la rudesse du 
désert. Son pas était sûr et son port de tête bien droit, la peur 
semblait glisser sur elle, même lorsqu’elle se positionna entre la jeune
 fille attachée et les zombies qui s’étaient stoppés brusquement.
Le
 statu quo se prolongea plusieurs minutes. Du haut de la muraille, je 
distinguais nettement son sourire gracieux, quelque peu incongru au vu 
de la situation. Elle tendit alors son bras droit devant elle, sa paume 
ouverte à seulement quelques centimètres d’un zombie la contemplant de 
ses yeux morts, la bouche grande ouverte. Elle ouvrit alors la bouche 
pour la première fois :
-« Partez ! »
Sur
 cette simple injonction, les morts vivants se tournèrent mollement dans
 la direction opposée, puis repartirent petit à petit de leur lente 
démarche saccadée.
Plus aucun bruit ne résonnait dans 
la ville, mes deux cerbères étaient bouche bée, comme l’ensemble des 
habitants. Le moment était venu de leur fausser compagnie. Sans 
réfléchir, je saisis celui de gauche par son avant-bras, et d’un 
mouvement de rotation, je le fis basculer par-delà la muraille. Je me 
tournais ensuite vers le second bonhomme, qui n’avait toujours esquissé 
aucun geste, je lui attrapais la jambe gauche, et le fis tomber lui 
aussi dans le vide, au niveau des portes de la ville.
Le
 bruit sourd de leur chute, fit se tourner à nouveau les zombies qui 
reprirent leur marche vers la ville. Sans attendre, je me précipitais en
 bas de la muraille, en direction des portes de la ville, en attrapant 
un couteau au passage.
Je franchis en courant les 
portes de la ville, j’espérais pouvoir retenir les zombies du temps 
qu’elles puissent rentrer en ville. Mais alors que je les dépassais, la 
femme à la robe argentée me retient par le bras, sa prise était douce 
mais ferme, elle me sourit avant de me dire :
-« Laisse les, aidez-moi plutôt à la libérer »
Un
 peu décontenancé, je tranchais les liens de la jeune fille avec le 
couteau, elle s‘effondra alors, à moitié consciente, du temps que le 
surplus de sang  reflue de sa tête. 
Pendant ce temps, 
les zombis avaient  rejoint le premier garde qui était tombé depuis la 
barrière. Il s’appelait Atlas me semble-t-il. Il fut mordu au niveau de 
la jambe, une gerbe de sang gicla l’instant d’après,  il poussa un 
hurlement tellement strident, que la foule toujours rassemblait sur la 
muraille frémit. Deux autres zombies se jetèrent sur le malheureux, 
stoppant net son cri en lui arrachant une partie de la gorge, l’instant 
d’après une masse de morts vivants la recouvrit, masquant l’horreur à 
nos yeux. 
Alors que j’aidais la dame à porter la jeune
 fille, qui était toujours dans les vapes, le second molosse qui 
semblait s’être blessé lors de sa chute, m’implora de l’achever avant 
que  les zombies ne s’attaquent à lui. Je serai le couteau dans ma 
droite afin d’accéder à sa requête, même si l’idée qu’il se fasse 
dévorer ne me dérangeait  pas plus que cela,  lorsqu’elle me retient une
 nouvelle fois, pour me dire :
-« Ne laisses jamais la fureur guider ton bras ! »
Alors
 que j’hésitais encore, elle raffermit sa prise sur mon bras, fronça 
légèrement les sourcils, mais sans se détacher de son sourire. Je 
n’avais pas encore remarqué ses yeux émeraude, mais son regard suffit à 
faire disparaitre en moi toute velléité de vengeance. Elle ajouta 
seulement :
-« Je connais le prix de la colère »
J’aidais
 alors mon ancien geôlier à se relever, et nous franchîmes tous les 
quatre les portes de la ville, que je refermai promptement.
Nous
 étions maintenant en sécurité, enfin tout du moins les zombies ne 
risquaient plus de nous dévorer dans l’immédiat, et les fanatiques ne 
nous avaient pas encore étripés. Ce qui dénotait une amélioration non 
négligeable de notre situation, qui était un peu plus alambiquée 
quelques minutes auparavant.
Malheureusement Jonas ne 
tarda pas à descendre du haut de la muraille, suivi de près par le reste
 de la ville. La coalition punitive s’arrêta à quelques pas de nous, 
deux hommes et une femme sortirent du rang sans mot dire, et les 
bonshommes se saisirent de l’estropié, toujours allongé devant nous, 
afin de, je l’espère, l’amener à l’infirmerie. La femme quant à elle se 
rapprocha de la jeune fille, ex-sacrifiée, je levais immédiatement mon 
couteau dans sa direction. Nullement décontenancée, la femme écarta 
seulement les bras, pour montrer qu’elle était désarmée et continua à 
avancer dans notre direction :
-« Je m’appelle Louvenya, et je veux seulement m’assurer que cette pauvre enfant n’a pas besoin de soin »
Embarrassé
 devant ses yeux bleus d’une douceur évoquant l’infini, je baissais 
rapidement ma tête et mon couteau, lui faisant signe qu’elle pouvait 
s’approcher de la jeune fille.
Pendant ce temps-là, la 
dame à la robe argentée, avait conservé son sourire ingénu. Je 
commençais un peu à m’inquiéter de sa santé mentale, mais lorsqu’elle se
 tourna vers moi, et que la plissure de ses lèvres s’élargit encore, le 
feu me monta aux joues tellement vite que je décidais de m’intéresser au
 groupe souhaitant diligemment nous mettre en pièce.
Jonas
 nous observait, même avec sa sombre capuche relevée, je pouvais 
distinguer son regard noir tentant de nous abattre sur place. Quelques 
instants plus il se décida à parler :
-« Vous avez empêché le 
sacrifice purificateur, et attiré sur nous l’opprobre du tout puissant. 
Vous devrez maintenant répondre de vos actes »
Il se tourna alors vers les citoyens pour leur ordonner :
-« Emparez-vous d’eux »
 Un ange passa, puis deux hommes à l’air pas commode, marchèrent vers nous.
Alors
 que je serrai toujours plus fort mon couteau, la dame à mes côtés, sans
 se départir de sa mine joyeuse, leva légèrement le menton pour toiser 
le danger.
Arrivés près de nous, les deux hommes se retournèrent :
« Je m’appelle HixHess, et lui c’est Darthwolf, il faudra nous passer sur le corps, si vous souhaitez vous approcher d’eux »
Un
 murmure parcouru l’assemblée, et se transforma rapidement en brouhaha. 
Jonas qui avait attrapé par le bras un citoyen et commencé à le secouer,
 fut promptement repoussé et finit le cul par terre, avant que 
quelques-uns de ses derniers partisans ne viennent le relever.
La foule se dispersa rapidement, l’intermède terminé, chacun recommença à vaquer à ses occupations.
Dépité
 par la tournure qu’avaient pris  les évènements, Jonas se renferma sur 
lui-même, ses plus fidèles acolytes restèrent néanmoins près de lui, en 
signe d’adoration, ils arborèrent à leur tour une longue robe avec une 
capuche, les dissimulant aux  yeux du reste de la ville. Ils ne 
participèrent plus à aucune activité de la ville, gardant pour eux 
chacune de leurs trouvailles. 
 La jeune fille se remit
 rapidement de ses émotions et rejoignit sa famille, qui comme la 
majorité de la ville, égrenait  le désert de façon acharnée, afin de 
pouvoir  se sustenter.  
Heureusement pour la ville, 
chaque soir, la dame à la robe argentée se tenait en haut des remparts, 
et armée de son seul sourire, elle maintenait à distance les hordes 
chaque soir plus colossales. Et nous étions là près d’elle, Louvenya, 
HixHess, DarthWolf et moi. Au fil des soirs, d’autres nous avaient 
rejoint ils se nommaient : Karamelles, Exclusif,  Makura, Trader, Napa, 
Petamouche, Pegatrix, il y avait aussi un petit garçon espiègle, qui 
s’accrochait  à la robe de la dame à la moindre occasion. 
Après
 quelques jours Jonas et ses fidèles quittèrent la ville, à la recherche
 de nouvelles contrées à évangéliser. Le héros ne dit mot, seul un de 
ses compagnons nous lâcha un sarcasme : 
-«  Nous partons en éclaireurs, rejoignez-nous avant qu’il ne soit trop tard » 
Aucun ne revient jamais dans notre belle cité. 
Le
 père de la jeune fille avait déniché un ancien avant-poste militaire 
tout près de la ville, il y avait découvert un stock de pelles qu’il 
avait distribué à toute la ville, depuis la banque regorgeait de 
ressources. Les explorateurs s’étaient surnommés ironiquement les 
fouineurs, car tout le désert alentour était maintenant parsemé de 
multitudes de trous, que la brise nocturne n’arrivait pas à combler.
Mais
 évidemment, le paradis ne pouvait pas durer, le ver finissant toujours 
par sortir de la pomme. Au bout de quelques semaines, les fouineurs nous
 reprochèrent de ne pas être assez utiles à la ville, que nous passions 
nos nuits à la belle étoile alors qu’eux trimaient toute la journée sous
 une chaleur accablante. 
Malgré nos tentatives d’explication, le divorce fut rapidement consommé, et nous dûmes quitter la ville dès le lendemain. 
L’ambiance de notre groupe était un peu morose, et pas grand monde ne discuta durant les premières heures.
Ce
 fut  le petit garçon, qui loin des vaines arguties dont raffolent les 
adultes, réussi à briser la glace, il s’approcha de la dame à la robe 
argentée pour lui dire :
-« Quand je serai grand je serai ton ange gardien ».
Encore une fois, la dame sourit simplement, mais l’atmosphère se réchauffa immédiatement.
-« Gardien ! C’est vraiment bien comme surnom  »  acquiesça Napa.
-« Nous serons  les 12 premiers gardiennes et gardiens de la Dame » indiqua Petamouche.
-« Oui et moi  plus tard je serai le plus grand de tous ! » reprit l’enfant.
HixHess attrapa alors le jeune garçon, pour le mettre sur ses épaules :
-« Mais oui mon petit! »
Karamelles lui fit un clin d’œil, avant de lui lancer :
-«  Et qui sais peut-être même que tu deviendras maire d’une cité de gardien! »
 -« Ah ça plutôt crever » dit le petit Iceberg en crachant par terre ! 
Camping Ideal
Aujourd’hui était une belle journée pour Idealium, depuis
le matin elle parcourait l’outre monde à toute allure, complètement grisée par
cette douce sensation de liberté, qui la faisait se sentir pleine de volupté.
Depuis le début de la ville, elle était obligé de rester cantonné aux alentours
de la ville, voire carrément de ne pas sortir du tout, elle qui se sentait
claustrophobe dès qu’un nuage obscurcissait le ciel.
Lorsque la veille, oXmoze était venu lui demander si elle souhaitait faire une longue expédition, elle lui avait sauté au cou, et depuis elle était comme sur un petit nuage.
Elle franchit une nouvelle dune d’un pas allègre, jetant un œil
à son sac pas franchement remplit de mirobolantes trouvailles, le bricotout
qu’elle avait visité dès l’aube ne contenait rien d’intéressant, mais elle
avait tout de même réussi à débusquer une superbe balise radius mark II dans la
cabane de jardin située juste après.
Idealium s’amusait à dévaler la pente de sable, en glissant sur un pied puis sur l’autre lorsqu’elle était trop déséquilibrée. Elle aurait presque crié sa joie à tue-tête, si les zombies n’étaient pas si nombre dans le secteur. Elle arrivait d’ailleurs dans une zone peu explorée et il lui fallait être très prudente.
Une fois arrivée en haut de la butte suivante, un motel  « Dusk » totalement décrépi apparu
devant elle, malheureusement une vingtaine de zombies étaient également
présent, lui empêchant d’explorer le bâtiment. 
Elle n’avait dans son sac qu’un pistolet sans munition, et rien d’autre
pour se débarrasser des indésirables. Elle sorti alors la balise radius mark II
de son sac et tenta de contacter la ville :
-« Allo ? Allo ? Ici Idealium ! La zone
est infestée de zombies, que  dois-je
faire ? Allo ? »
Aucune réponse, elle attendit de longues minutes et retenta de joindre ses amis à plusieurs reprises mais en vain, elle devra donc se sortir seule de ce sinistre guêpier.
Une veille légende urbaine lui revient en mémoire, les morts
vivants étaient sensibles à la lumière, et certains héros lui avait raconté
qu’ils avaient réussi à semer des troupeaux entiers de zombies, avec un simple
appareil photo. D’ailleurs tous les expéditionnaires chevronnés  rangeaient toujours dans leurs sacs un vieil
appareil photo d’avant je ne sais plus quelle guerre.
Elle sortit donc le sien, et compta le nombre de flash qui lui restait. Trois, seulement trois, c’était peu mais cela devrait lui suffire. Elle souleva l’appareil photo, le plus haut possible au-dessus de sa tête, ferma les yeux, puis appuya sur le déclencheur, une lumière terrible illumina la zone. Sans attendre elle s’enfuit au plus vite loin de cette sinistre guérite.
Cela avait marché ! Elle n’en revenait pas ! Un
sentiment de fierté l’envahit un instant, et elle pensa qu’elle aussi,
dorénavant elle pourrait raconter comment elle s’était éclipsée devant à une
nuée de zombies.
Mais elle n’était pas encore totalement tirée d’affaire, même si aucun ne l’avait suivi depuis le motel, ce coin du désert en contenait encore trop pour qu’elle puisse se déplacer librement. Qu’à cela ne tienne, elle leva une nouvelle fois bien haut son vieil appareil photo, et couru aussitôt loin de ces mortels badauds.
Elle s’arrêta, à quelques centaines de mètres  de là. Mais ici aussi, les zombies avaient
fait leur nid. Elle reprit son souffle, avant d’énumérer le nombre de flash qui
lui restait. Ouf ! Il lui en restait un dernier, elle pouvait encore leur
échapper. Elle recommença son numéro avec son appareil bien haut. Mais ce
coup-ci, aucun flash ne sorti, la voilà bien marri.
Énervée au plus haut point, elle sera fort ses poings, et d’un violent uppercut dégomma deux curieux un peu trop audacieux. La voie enfin libre, elle escalada la colline, pour s’éloigner de ces affreux acolytes.
Mais à peine avait elle fait quelques pas, qu’elle s’arrêta
déjà et resta planter sans voix. Un hangar de stockage se dressait juste là, et
avec lui une armée de zombies lui empêchant d’accéder à la sortie.
Elle resta bloquée durant plusieurs heures, tentant toujours
en vain d’appeler ses compères, elle cria, elle pleura, elle chanta, mais rien
ne se passa.
Bien après que la nuit ne fut tombée, Idealium entendit sa radio grésiller, elle n’en cru pas ses oreilles car c’était Iceberg en personne qui essayait de la joindre.
-« Je suis en haut de la tour de guet, et de là je te
vois vraisemblablement bloquée, qu’est-ce que tu fous ? Pourquoi ne nous
as-tu pas appelés ? ».
Idealium resta coi un instant, avant de s’emporter violemment :
-« Tu te moques de moi, cela fait des heures que je
cherche à vous joindre avec ma balise mark II, je suis maintenant bloquée, sans
appareil photo, ni pouvoir d’héroïne, pouvez-vous venir me sauver ? »
-« Une mark II ? Nous n’avons reçu aucun signal de
ta part, tous les autres gardiens sont déjà rentrés, mais nous allons essayer
de te sauver. Mais…  Dis-moi, dans ta
balise ? Tu as bien mis une pile ? »
-« Une pile ? Dans une mark II ? Je ne savais
pas qu’il en fallait ! » S’étonna Ideallium
Ce fut au tour d’Iceberg de rester sans voix, mais rapidement il se reprit :
-« Ecoutes moi bien ! Restes en alerte, nous
allons arriver. »
Idealium reprit enfin espoir mais ne sut qu’ajouter :
-« Merci »
-« Ne t’inquiètes pas, nous
sommes des gardiens et nous n'abandonnerons jamais l'une des notre dans le
désert ! »
-« Mais je n’ai jamais
douté de vous, enfin pas vraiment longtemps ! »
-« Au fait
j’ai une dernière question,  as-tu une
préférence pour un gardien en particulier ? »
-« Euh, non… pas vraiment… Mais pourquoi cette
question ? »
-« Oh ce n’est rien, c’est juste pour savoir qui
s’occupera de tes os lorsque nous te récupèrerons demain matin. »
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