Concours Maudits Mots Dits 2011

Le concours "Maudits mots dits" s'est déroulé, à la fin de l'année 2011 sur le forum monde de hordes, ses organisateurs étaient Pyrolis et Arvran.
Le but du concours était d'écrire les textes de plus en plus court, avec des mots et des thèmes imposés.
A chaque session des candidats étaient éliminés, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un seul à la fin de la sixième épreuve.

Session 1 : Surnom
31 participants, 1000 mots max, 5 mots imposés

J’observe ces explorateurs pathétiques fouiller le désert de façon frénétique, à la recherche de trésors tel des chercheurs d’or. Chaque jour ils reviennent, et emportent dans leurs sacs, de pitoyables trouvailles qu’ils transforment, le soir même, en nouvelles murailles.

J’erre dans l’outre monde depuis bien longtemps et par centaines j’ai déjà vu leurs plus fières villes immanquablement dévastées. Mais sans cesse ils reviennent, et se terrent à nouveau dans cette fosse commune qu’ils appellent une ville. Ils se serrent et s’agitent comme s’ils ne doutaient  pas qu’il ne s’agissait là que de leurs derniers soubresauts.

Ils ne manquent pourtant pas d’originalité, il y en a toujours un pour imaginer de nouvelles stratégies qui, à défaut de les sauver, retardent quelque peu l’inévitable échéance. Le fruit de leur cerveau est une explosion d’idées, créant des manœuvres originales renouvelées sans cesse.

A chacune de leur réapparition et quelle que soit ma cachette, un explorateur me découvre, je ne peux pas vraiment lutter face à ces nuées de fouineurs. Inéluctablement, le scénario se répète, un sourire mauvais déforme ses traits, il tente de me saisir, je l’esquive avec aisance, mais il n’y a pas d’issue, et bientôt il m’accule. Lorsqu’il est tout prés, sa terrible odeur agresse ma muqueuse olfactive, il est bien trop fort je ne peux pas lutter, je préfère abandonner le combat pour ne pas me blesser.

Je me résous à l’aider puisque je n’ai pas le choix, qu’il se serve de moi comme d’un vulgaire objet, bien que je ne sois pas une modeste lampe, ni un simple frigo. Je m’acquitte de ma besogne sans vraiment rechigner, car je sais que mon bagne ne durera qu’un temps. Je lui laisse croire qu’il est mon seul maître, le misérable ne sait pas que mes derniers suzerains sont tous redevenus poussière, sans exception aucune.

Il ne met pas longtemps à tomber sous mon charme, à chacune de mes parades il me trouve plus beau, un seul de mes sourires illumine sa journée, il alimente ma vanité par sa simple médiocrité. Le malheureux  ne semble pas se rendre compte que sa vie ne tient plus qu’à un fil, que je ronge avec délice chaque nuit.

Pense-t-il réellement que nous allons devenir copain comme cochons malodorants ? Qu’il mérite une seule seconde une once de ma miséricorde ? A-t-on déjà vu un prince se lier d’amitié avec un simple manant ?

A minuit je les appelle et immanquablement ils surviennent. Un seul de mes cris emplit tout le désert, toujours plus nombreux ils se rallient à mon signal, car ils reconnaissent l'exhortation les invitant au festin. Les hommes s’agitent chaque jour un peu plus frénétiquement, et fouillent encore plus avidement. Jusqu’au moment où mes amis me libèrent, et mettent fin à leurs vies de misère, je retrouve alors mon existence frugale et mon désert adoré, dans lequel je peux à nouveau errer.

J’attends le retour d’une nouvelle nuée de fantômes, rêvant du temps où ma maîtresse me prenait dans ses bras, me câlinant tendrement, elle qui pas une seule fois, n’a eu le dédain de m’affubler du ridicule surnom de gros chat mignon.

Session 2: décoloration 
22 participants, 800 mots max, 10 mots imposés

Depuis mon réveil, tout me parait différent, des nuances subtiles modifient ma perception du monde, à commencer par ma vision, qui bien que toujours parfaite, semble teintée de nuances de rouge sanglant. Je me frotte les yeux à maintes reprises mais rien ne change, mon environnement est maintenant infiniment plus effrayant.

Des gargouillis sonores remontent de mon ventre, me rappelant que je n’ai consommé que de l’eau depuis plusieurs jours. La faim me tiraille l’estomac comme jamais, et je salive juste à l’idée d’un peu de viande saignante !

Je sors de ma tente afin de me changer les idées, mais une flaque visqueuse manque de me faire tomber, et je ne réussi à rester debout qu’en me rattrapant à un tréteau posé prés de là. Mes pieds sont maintenant teintés de rouge également, je me rapproche de la flaque, et je découvre une mare de sang dans laquelle baigne Siam, le chat de ma voisine Lucie, les entrailles à l’air.

J’ai toujours détesté ce gros chat que tout le monde trouvait mignon, il se prenait pour un roi malgré son énorme tête difforme qui me faisait immanquablement penser à un troll stupide à l’œil morne. Le voir mort ainsi, à moitié dévoré, me fit étrangement saliver.

Je me fige soudain, la coloration rouge, la soif de viande, le sang, le cadavre ... mon esprit n’ose envisager l’impensable, est ce que je serai ....

Je me saisis du corps de Siam et m’enfuit en criant vers le centre de la ville. Mais je cesse bien vite mon vacarme, si je suis bien ce que je pense, il ne faut surtout pas attirer l’attention sur moi. Je soulève alors une planche de la fosse à pieux, afin de me débarrasser de la dépouille de la bête, ce trou lui servira bien de dernier sarcophage, digne du pharaon qu’il n’a jamais été.

Mon esprit réfléchit à toute vitesse à un plan de survie, je dois me faire discret, mais il me faudra dévorer de la viande humaine rapidement sinon je ne survivrai pas longtemps.

Je pense immédiatement à Lucie, elle est si appétissante, avec ses jolies jambes galbées, ou alors sa sœur peut être ? Non leurs amies enquêteraient immédiatement, je serai trop rapidement démasqué... et exécuté.

Pourquoi pas le vieux Tony ? Il n’a plus toute sa tête depuis qu’il n’est plus le gardien de la banque, il fait n’importe quoi aux chantiers, et ne respecte jamais les consignes. De nombreux citoyens parlent entre eux de le bannir de la ville, donc personne ne le regrettera, et j’aurais un peu de répit devant moi.

Les rues de la ville sont désertes, les explorateurs sont partis tôt ce matin, et les ouvriers vaquent à leurs occupations, mais Tony se trouve bien sous sa tente.

Je rentre discrètement, le vieux est toujours endormi, sans attendre je me jette sur lui et le mord à la jambe. Tony se réveille aussitôt en hurlant, mais ses cris cessent dès qu’il m’aperçoit, il me repousse alors avec une force que je ne lui imaginais pas posséder.

Je reste indécis un instant, comment les goules se débrouillent-elles pour dévorer leurs victimes ? Dois-je le tuer avant? Le goût du sang dans ma bouche n’est pas vraiment agréable, et la quantité que j’ai déjà absorbée me donne des hauts le cœur.

Pendant ce temps, Tony semble avoir recouvré ses esprits, il me demande :
-« Pourquoi m’as-tu agressé ? Je suis blessé à la jambe maintenant ce n’est pas malin ! »
Je lui répondis alors
-«  Je suis une goule..  et je t’ai ... machiné.. comme victime »
Le vieux éclata alors de rire avant de me dire :
-« Tu parles trop pour une goule ! »

Et sans crier garde, il s’élance sur moi, en me jetant au visage un seau remplit de liquide jaunâtre qui ne semble pas être de l’eau.
Aveuglé, j’ai seulement le réflexe, d’envo 3yer un grand coup de pied devant moi, je sens ma chaussure heurter Tony, qui se retrouve projeté au fond de sa tente.
Je me frotte alors le visage, et soudain le monde n’est plus rubicond, du sang séché se décolle sous mes doigts, mes cils se lavent, et mes yeux voient à nouveau le monde tel qu’il n’a jamais cessé d’être.

Miséricorde ! Je me souvins alors de la nuit dernière, de la vodka partagée avec Lili, la plus belle danseuse de la ville, nous nous étions rapproché, et j’avais essayé de l’embrasser, elle m’avait repoussé, avant de sortir une chaîne rouillée..... aie ma tête.


Session 3 : Oxygène 
20 participants (12 retenus), 666 mots max, 9 mots, ainsi que les phrases de début et de fin imposées

Un cactus… Je ne rêvais pas, il y avait un cactus devant moi…
Je me frottais les yeux à plusieurs reprises, mais la plante grasse était toujours là. En étendant mon regard vers l’horizon, aucune autre incohérence ne me sauta aux yeux, le reste du désert semblait inchangé, mais comment me suis-je retrouvé ici ?

Il y eu d’abord ce combat avec le gladiateur.... Oui un véritable Retiaire avec son filet, son trident, sa manique en cuir, ses chevillières. Il m’avait poursuivit à travers la ville, et je me suis retrouvé acculé contre le puits, n’ayant plus le choix, je m’y suis jeté à l’intérieur la tête la première.

La chute fut interminable, et le choc contre l’eau m’assomma à demi, mais je pus néanmoins remonter à la surface sans trop de mal. Mais à peine j’eu sorti la tête hors de l’eau, qu’il me fallut immédiatement replonger pour éviter un pédalo manœuvré par un raton laveur géant. Lorsque je pus enfin resurgir, l’embarcation s’éloignait tranquillement, mais la créature se retourna une dernière fois pour me gratifier d’un geste obscène.

A peine remis de ma surprise, je levais la tête pour apercevoir l’entrée du puits, mais je ne distinguais que du verre au dessus de ma tête.
Regardant entre mes jambes, j’aperçus un trou par lequel s’écoulait la réserve d’eau dans laquelle je baignais, et dont le niveau diminuait à toute vitesse. Le liquide se jetait par cette ouverture dans une autre cuve vitrifiée située en contre bas. Miséricorde ! Je me trouvais dans une clepsydre géante !

Il ne fallut que quelques minutes à peine, pour que l’immense lac m’entourant disparaisse. Je fus englouti à mon tour par le mælstrom et mes dernières pensées furent que je devais sûrement me trouver dans l’hémisphère sud, car le tourbillon tournait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, mais pas près de la mer car l’eau n’avait pas un goût salé.

Lorsque je reviens à moi, j’étais allongé sur une route en pierre, devant un immense château, le gladiateur était près de moi. Il mit un index devant sa bouche, puis m’aida à me relever, avant de me désigner des ouvriers en train d’arc bouter le mur à droite du pont-levis, à l’aide d’un gigantesque pilier. Lorsque je voulu lui demander une explication, le gladiateur avait disparu, mais des paysans s’approchait maintenant de moi, ils avaient tous un fléau à la main, et visiblement l’envie d’en découdre. Je me précipitais alors vers le château pour me mettre à l’abri, mais ce dernier était en fait composé de sable, et il se liquéfia sous mes yeux ébahis.

Seul demeurait maintenant le cactus, ce maudit cactus, et le désert tout autour de moi. Je me suis approché de la plante grasse, afin de toucher une de ses épines, mais je ne ressentis rien. Je m’assis alors dans le sable, je ne sentais pas non plus la chaleur du soleil, d’habitude si ardente. Alors j’attendis, longtemps, jusqu’à la nuit, je ne perçus pas non plus la morsure glaciale qui nous saisit depuis le crépuscule jusqu’au petit matin.

Soudain je me suis décidé à me relever, ma tête se mit à tourner d’être resté assis aussi longtemps. Lorsque le désert cessa de tournoyer autour de moi, Billy se trouvait devant moi, me souriant avec ses deux ratiches noircies, il me dit « réveille-toi ! », puis m’assena un violent coup de pelle dans la tête.

Effectivement, cela me réveilla tout net, Billy cracha par terre, avant de me jeter mon masque à oxygène à la figure.

« La prochaine fois que tu voudras explorer une de ces ruines, n’oublie pas ton putain de groin de cochon, car je ne viendrai pas sauver ton petit cul de crétin étourdi une seconde fois ! »

Il se coucha alors sur son vieux lit de camp, et enfila son masque pour aspirer une grande goulée d’oxygène
Le vieux Billy conclut par un de ses éternels jurons et put s'endormir le sourire aux lèvres.


Session 4 : Ruine abandonnée 
10 participants (6 retenus), 600 mots max, 9 mots imposés et texte à écrire sur la musique des dents de la mer.

Après dix minutes de fouilles dans cet hôpital abandonné, je trouve la réputation de ces ruines un brin galvaudé ! J’ai pu aisément me débarrasser des quelques zombies épars que j’ai croisé, notamment grâce à une tronçonneuse trouvée dans le recoin d’une salle crasseuse, mais surtout je n’ai pas ce vieux marin fou constamment sur mon dos !

Depuis que la ville l’a jeté dehors sans cérémonie, il est devenu encore plus acariâtre, il a beau dire que cela lui importe autant que son premier chandelier, je sais bien que cela lui a rajouté une nouvelle cicatrice sur son âme.

SHRINNK...

Quel est donc ce bruit ? On aurait dit un disque rayé ! Une chose est sure, ce n’est pas un zombie ! Prenant mon courage à deux mains, je reviens sur mes pas vers l’origine de ce crissement inquiétant. Un étrange pressentiment monte en moi au fur et à mesure que je me rapproche, qui sait quelles expériences se sont déroulées autrefois au sein de cet hôpital ?

SHRINNNNNNNNNK !!

Cette fois le son est tout proche, il me semble distinguer, à seulement quelques mètres, une forme immobile dans l’ombre. Au sol, une flaque sombre s’agrandit à vue d’oeil, sûrement une fuite qu’il faudrait colmater, ou alors de la condensation, c’est plutôt fréquent dans ces lieux clos.

WHOUFFFF !!

Une immense forme noire surgit soudain de l’obscurité, sans réfléchir je prends mes jambes à mon cou, courant à en perdre haleine, et je bifurque dans les couloirs au hasard. Je sens la créature toujours sur mes talons, j’accélère encore, je prends à droite, puis à gauche et une nouvelle fois à gauche. Je suis en train de la semer, plus que quelques changements de direction et je serai sauvé.

BAAHMMM !

Un mur de béton stoppe net ma frénésie, je suis arrivé au bout d’une impasse. Bien que je sois sonné, je me relève pour écouter si la créature est toujours derrière moi, mais seul le son de mon cœur battant la chamade parvient à mes oreilles.
La jauge à oxygène m’indique qu’il me reste moins de la moitié de ma bouteille, il me faut trouver rapidement la sortie.

Je commence à rebrousser chemin, les sens aux aguets, aucun monstre n’est en vue, pas même un zombie. Après quelques minutes, je distingue la ration d’eau que j’avais jetée, tout à l’heure, je ne suis donc plus perdu, d’ici quelques instants je serai sain et sauf dans le désert !

SHRINNNNNNNNNK !!

Le son strident me fige un instant, je me retourne et je l’aperçois, immobile, à moins d’un mètre de moi. Elle remue lentement une de ses pattes sur le sol, et le bruit se répète, brisant l’harmonie.

Je perds mes moyens une nouvelle fois, et sans implorer miséricorde, je jette ma tronçonneuse sur la créature, avant de déguerpir sans demander mon reste.

Je cours, je cours, car ma vie en dépend. Je vois soudain la sortie, un instant plus tard, je suis dehors, Billy est là, la mine renfrognée, il me demande d’un ton bourru ce que j’ai trouvé.

-«  Pas grand-chose, seulement un plan de chantier ! A ton tour maintenant, ne t’inquiètes pas je me suis occupé de tous les zombies, tu peux fouiller sans crainte ».

Après m’avoir adressé un regard noir dont il a le secret,  Billy rentre à son tour dans la ruine.
Quelques minutes plus tard, un long cri d’agonie parvient à mes oreilles. En rentrant en ville le devoir accompli, je me dis que finalement j’ai eu de la chance de trouver cette ruine abandonnée.

Session 5 : Colère
6 participants, 11 mots imposés, 400 mots max, décrire une action d’une minute environ

Elle monte en moi inexorablement, mes mains se crispent, mes mâchoires se serrent, mes yeux se plissent. J’avale une grande bouffée d’air puis j’expire lentement, j’inspire encore et je souffle à nouveau, mais je ne peux la contenir.

Je demande miséricorde, mais rien n’y fait, rien ne l’apaise, je la ressens dans chaque tissu de mon corps. Je me concentre sur elle et tente de la visualiser, de l’encercler, de la cerner, mais elle est transparente, insaisissable, immatérielle, elle me nargue et se cache à la périphérie de ma vision.

Elle ne cesse de grandir et je me sens rapetissé, elle est puissante alors que je suis désarmé, elle est partout, je ne sais plus où me cacher. Son avancée semble inéluctable, son ondulation devient une vague, qui se transforme en un torrent, avant de se changer en un immense tsunami engloutissant tout mon être.

Je perçois son sourd murmure, j’entends sa profonde noirceur, je discerne son odeur nauséabonde, j’hume son goût amer, je ressens son souffle glacial. Plus rien n’existe, elle est mon opium, le temps s’arrête, elle devient mon univers, mon avenir et mon passé, quelque chose d’autre a-t-il déjà existé ?

Au moment où je pense enfin avoir atteint le summum, elle croit encore vers de nouvelles hauteurs, repoussant sans cesse un peu plus l’apogée, vers de nouveaux inaccessibles sommets.

Elle transcende mon être et irradie par tous les interstices de ma peau, je suis tel un soleil perdu dans les abysses. Je ne comprends plus les symptômes, je ne connais pas le syndrome. Je n’ai plus de souffle, mon cœur s’arrête, mon sang se fige, mes bras retombent, mes yeux se ferment, tout est fini ?

Non ! Je cesse de lutter et m’abandonne à elle, alors elle implose. J’entends un cri au loin, qui se rapproche à toute allure, lorsqu’il arrive près de moi, je reconnais ma voix. Mes yeux se rouvrent, mes bras s’agitent, mon sang bouillonne, mon cœur s’emballe, j’halète fort.

Elle fait enfin marche arrière et reflue en moi, mon corps revit, je sens maintenant ma tête, mon torse, mes jambes, et même mes pieds. Je distingue à nouveau Billy, me dévisageant avec son éternel regard sombre, je ferme alors ma bouche, et le cri disparaît.

Je n’ai pas pu empêcher la colère de monter en moi, en voyant ici ce vieux profane dont j’étais pourtant persuadé être définitivement débarrassé.

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